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ãÔÇåÏÉ ÇáäÓÎÉ ßÇãáÉ : ÇáÝÑäÓíÉ- ÇáÓäÉ ÇáÃæáì La Planète des Singes


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01-06-2009, 16:19
La Planète des Singes:

Critique de l'égocentrisme humain

Mounir SERHANI, Agrégé de lettres

Un roman de science-fiction, basé sur des données scientifiques. Un récit placé dans un univers sans localisation, ou au moins difficile à localiser. Une bouteille jetée dans l'espace, cet infiniment grand, où un manuscrit s'attend à une lecture afin de ressusciter l'expérience d'un être humain déçu et la tragédie de l'Homme imbu de lui-même, de son intelligence et sa suprématie frénétique. " La planète des singes" est d'emblée une remise en question d'une identité embrouillée par une hégémonie illusionniste illusoire qui fait fi des autres créatures qui sont, eux- aussi, dotées du bienfait naturel d'avoir une intelligence et, du coup^, une existence à considérer. Il faudrait sans doute reconnaître que ce sentiment humain de supériorité et de suprématie est devenu un simple passé qui s'effondre au profit d'une prise de conscience de la petitesse et de la fragilité d'un être reconnu comme un infiniment petit. Se sont donc unies l'imagination scientifique exigeante et la fantaisie littéraire débridée pour mettre en péril la condition des mortels flattés par la nature, la religion et la science.
Un futur flou en défit d'une anticipation datative qui ne prétend nullement à la précision (l'an 2500). Il est flagrant que ce cadre est placé de prime abord sous le signe du tragique. Curieux sont les cosmonautes qui ont déclenché un voyage courageux d'exploration spatiale et de découverte scientifique. Un journaliste, un physicien et un docteur dont le point partagé serait le désir de découvrir, de creuser le mystère intersidéral et de franchir le seuil d'un univers fabuleux, attractif et prometteur d'énigmes et de mystères. N'est-elle pas " une faute antérieure" cette curiosité excessive qui pénètre l'invisible, au- delà des frontières interplanétaires, aussi chimériques qu'elles soient.
Pierre Boule a choisi la bouteille pour qu'elle soit un motif littéraire traditionnel qui déclenchera le deuxième récit, l'enchassé et le vrai. Jinn déchiffre le langage des humains terriens et joue un double rôle, lecteur et narrateur/ émetteur de conte/ fable. " Une belle mystification", ainsi jugera-t-il le récit d'Ulysse Mérou. Est-ce à dire que Jinn serait un lecteur à imposer ses premières et ultimes impressions? Il est, somme toute, notre guide et interprète dans une narration polyphonique enchevêtrée (mise en abîme, métalangage, boîte chinoise…). La bouteille a également une fonction esthétique dans la mesure où elle sert à suspendre le lectorat. Jinn et Phyllis ne l'ont pas attrapée facilement, mais ils l'ont guettée au fur et à mesure avant de l'intercepter, l'ouvrir et sortir le bijou combien attendu: le manuscrit. Aussi, l'horizon d'attente du lecteur prend des dimensions énormément élargies. Et pourquoi ne pas dire que le lecteur se trouve piégé suite à cette stratégie de retardement et mord à l'hameçon en pénétrant un monde stellaire sans " avoir les pieds sur terre"! Il n'est pas rassuré; Il devient effectivement un aventurier dont l'exploration est un plaisir et l'exploit est in enjeu. 3 Heureux celui comme Ulysse", absence aventurière et retour couronné de lauriers!sous quel jour revient Jinn et Phyllis? Comment revient Ulysse Mérou? Le lecteur sortira-t-il indemne de cette fiction de "nulle part" ,
L'histoire d'Ulysse Mérou, faut- il le rappeler, est semblable à une parenthèse close par les deux chapitres1 (p. 1) et 12 (p 3) comme l'Eldorado utopique de voltaire. En d'autres termes, le récit dit bien" enchâssé" tient place de fragment fictif considéré in fine comme une " belle mystification" invraisemblable. Ainsi est-il flagrant que le romancier pousse les limites de l'imaginaire. Et le récit de se muer en une narration à la lisière du "merveilleux". Un monde irréel qui dote ses personnages de pouvoirs surnaturels et incroyables. Un univers placé sous le signe du flou, de l'imprécis et de l'indéfini.

"Illusions perdues":

L'une des caractéristiques du merveilleux est bel et bien l'anthromorphisme (attribuer des traits humains aux animaux et aux objets): les animaux parlent et les objets bougent. Plus encore, P/Boulle a cédé le gouvernement aux singes. L'animal l'a emporté sur les humains qui jouent le rôle de simples créatures de laboratoires, de cobayes à servir aux expériences simiesques. Loin d'être un vecteur à même de suspendre le lecteur, le titre est, par ailleurs, révélateur parce qu'il prépare a priori le destinataire à accepter, voire concevoir, l'inversion des rôles. Autrement dit, il met d'ores et déjà un monde à l'envers. Une "planète des singes" où le "des" a une valeur possessive. Effectivement, le globe sera sans aucun doute gouverné par les singes. Les hommes y seront rétrogradés. C'est , entre autres, l'infériorité qui représente l'ingrédient de l'inversion. Inutile de rappeler que l'Homme ( Ulysse Mérou par synecdoque) se dévalorise tout en mettant en valeur l'intelligence éminente des singes et, per extension, les animaux. Ce procédé de généralisation vise donc à faire fi de la condition "orgueilleuse" et " égoïste" des êtres humains au profit des autres créatures dépourvues, aux yeux de l'homme, de toute intelligence et de toute émotion. Le mythe de sa supériorité s'est heurté contre les écueils existentiels, l'illusion de sa grandeur s'est effondrée sous le joug de ses subalternes antérieurs. Disparu le monde où l'Homme était un roi, révolu le temps où l'être manipule, gouverne et soumet les autres créatures en prétendant à la différence naturelle et morale.
Peut- être serait – il possible de conférer au récit de Pierre Boulle une fonction catastrophique tant que l'Homme ouvre les portes de sa propre tragédie. L'Homme prend conscience de sa condition supra réelle et , pourtant, fragile et ébranlable. Le roman se base sur un processus d'identification qui fait de l'Homme un résultat émanant de l'Histoire et un bulletin immédiat d'un évolutionnisme carré. S'il existe un être humain digne de ce nom, il ne serait qu'une créature à l'allure animale dépourvue d'esprit et "sans âme" et qu'une "poupée" parlante découverte dans le fin fond d'une fosse qui dote de plus "dix mille ans". Il va sans dire que l'humanité devient une caractéristique qui se mérite. Ulysse se dévalorise en valorisant les singes. Il se défend. Il se décompose au profit d'un plaidoyer laudatif destiné aux singes exagérément humiliant pour la race humaine. Nonobstant, il a beau construire une image favorable des êtres humains sans résultat aucun. C'est d'une tentative individuelle qu'il s'agit. Ulysse est dès lors un cas particulier, aussi exceptionnel qu'une bête "intelligente" dans un spectacle de cirque, d'où sa prestation ridicule et clownesque! Si l'intelligence de l'Homme est une vérité terrienne, l'hégémonie culturelle, intellectuelle et scientifique des singes est une évidence à constater à vue d'œil. Toute prétention à la supériorité ou à l'unicité est désormais fallacieuse et même désuète. Soror a inhumé Terre. Terre est définitivement enterrée, elle est un ensemble de décombres à fouiller et une réminiscence à ruminer. La Terre n'est-elle pas une contrée chimérique et utopique aux yeux du Congrès des singes biologistes?
L'Homme est un animal de laboratoire qui subit passivement parfois autant de tests sur Soror qu'une souris ou une grenouille sur la planète de la Terre: le teste du stimulus- réponse (le conditionnement), le test du panier de fruits suspendu du plafond de la cage, le test de l'électrification des barreaux, le test de l'accouplement (l'instinct ***uel), etc. Cet amas d'expériences remet ironiquement en cause toutes les convictions humaines, critique l'égocentrisme confiant et construit, par ailleurs, l'intelligence simiesque. Le singe teste les capacités intellectuelles de l'Homme: situation insolite et équation extravagante.
L'on conclut alors qu'Ulysse vit une crise d'identité. Ecartelé à la fin de son parcours entre Soror et Terre, il habite un pays de nulle part. "Permettez à un homme …." Ulysse s'adonne à un jeu artificiel d'humilité et de misère.
La scène du nudisme est retour aux origines sous le signe du ludique et du périlleux. Là commence le chassé-croisé (échange de rôles et de statuts) : l'humanisation des singes et l'animalisation des hommes. On dirait une soirée de déguisement où l'un prend la place, le masque et le visage; de l'autre. En se déshabillant, les hommes se donnent à voir dans un spectacle d'enfantillage bestial et renoncent de ce fait à leur égocentrisme indéniable. Au-delà, l'expérience tragique su le sol de Soror a permis à l'Homme de percevoir sa vérité, et même sa violence. Il n'aurait pas découvert cette réalité horrible s'il n'avait pas changé de rang, et donc d'angle de vision. Comme au cinéma, l'Homme a exercé une vision en contre-plongée capable de lui montrer ses propres tares. La Planète des singes ne représente-t-il pas un jeu de miroirs qui donne à voir un monde à l'envers tout en visant à remettre de l'ordre dans un puzzle désordonnée étrange et baroque que seule son organisation engendre le sens?

Mounir SERHANI, Agrégé de lettres

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thazirii 65
01-06-2009, 16:56
merciiiiiiiiiii bcp