A première vue, il semblerait pourtant plus simple de découper le mille-patte tropical et transporter les morceaux obtenus. Mais en vérité, il n'en est rien ! Car le découpage est une opération lente, "elle peut durer une heure, donc permettre à un oiseau de leur voler la proie", explique Alain Dejean, Professeur à l’université Paul-Sabatier Toulouse III et myrmécologue. Les Leptogenys choisissent donc de mettre l'animal à l'abri au plus vite. Quitte à devoir redoubler d'ingéniosité.
Cet abri n'est pas une fourmilière. "Elles n'ont pas de vrai nid, mais un bivouac provisoire" précise le myrmécologue. Un pseudo-nid vivant créé chaque soir dans les renfoncements d'un tronc ou dans un terrier par l'empilement des fourmis en une formation ronde. Ces insectes présentent en effet un comportement dit "légionnaire" : elles sont cycliquement nomades et chassent en grand nombre le jour puis se restaurent la nuit dans les bivouacs qu'elles forment. Ceux-ci obéissent à une configuration particulière : au centre se trouvent les œufs et la reine. Puis, de plus en plus vers la périphérie : les jeunes travailleuses, les travailleuses âgées et les soldats. Le bivouac ne se pose que quelques semaines le temps qu'une génération de fourmis atteigne sa maturité et que l'autre soit pondue puis devienne larve. La course reprend alors, jusqu'à la prochaine ponte.