Former à une pédagogie différenciée Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1998
S’il est vrai qu’un rhume qu’on soigne dure deux semaines, alors qu’un rhume qui se guérit spontanément dure quinze jours, on peut se demander pourquoi il faudrait former les médecins pour traiter des rhumes. Si l’école se bornait à instruire les élèves qui apprennent sans difficultés, à travers n’importe quelle pédagogie, parfois en dépit de l’école, pourquoi faudrait-il former les enseignants ?
L’enjeu majeur de la formation des enseignants, le seul qui vaille, est de leur donner les compétences requises pour donner envie d’apprendre à ceux qui résistent à l’intention d’instruire et pour les y aider. Les limites de l’enseignement et de l’enseignant se mesurent donc à ceux qui :
n’ont pas de projet de formation et ne se jugent même pas capables et dignes d’en avoir un ;
ne sont pas des " héritiers ", ne tiennent pas de leur famille, les codes, les stratégies, les savoirs et le rapport au savoir " scolairement rentables " ;
vivent dans des conditions de précarité économique ou de misère affective qui rendraient miraculeuse toute disponibilité intellectuelle.