Extrait du Bourgeois gentilhomme de Molière, scène VI, acte II.
[…] il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.
Fort bien.
Cela sera galant, oui.
Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Non, non ; point de vers.
Vous ne voulez que de la prose ?
Non, je ne veux ni prose ni vers.
Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre.
Pourquoi ?
Par la raison, monsieur, qu’il n’y a, pour s’exprimer, que la prose ou les vers.
Il n’y a que la prose ou les vers ?
Non, monsieur. Tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui n’est point vers est prose.
Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc que cela ?
De la prose.
Quoi ! quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Oui, monsieur
Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela.