I - UTILITE de la DICTEE
La dictée est un exercice diversement apprécié. Elle a d’éloquents détracteurs. M. Payot(inspecteur du primaire) est presque tenté de croire que les enfants apprennent l’orthographe, non par la dictée, mais malgré la dictée.
Voilà une acerbe critique que justifiait, sans doute, la dictée d’antan, routinière, hérissée à plaisir de difficultés, et qui tendait plus à confondre les élèves qu’à les éclairer sur les difficultés de la langue. Faut-il conclure à la suppression de cet exercice, parce qu’il a été longtemps mal compris ? Nous ne le croyons pas.
La dictée est un précieux instrument d’acquisition et de contrôle. Elle permet d’augmenter et d’apprécier les connaissances des enfants au triple point de vue : orthographe d’usage, orthographe grammaticale et intelligence du texte.
Ses adversaires les moins acharnés prétendent qu’elle fait double emploi avec les exercices de vocabulaire et de grammaire, et les lectures expliquées. Nous leur répondrons que la dictée met l’élève en présence de difficultés de toute nature, et non de difficultés d’une seule espèce. Des enfants qui y sont soumis, contrairement à leurs habitudes, commettent beaucoup de fautes, car l’entraînement méthodique leur manque.
Qui n’a entendu déplorer la faiblesse en orthographe des élèves de l’enseignement secondaire, qui ont un vocabulaire plus étendu et lisent bien davantage que nos petits écoliers primaires, mais qui font peu de dictées, et seulement dans les classes inférieures ?
Certes, l’expérience rigoureuse reste encore à tenter sur deux groupes égaux d’élèves de force identique. Mais les observations signalées déjà permettent de présumer la supériorité en orthographe des enfants soumis régulièrement à la dictée.
II - BUT de la DICTEE
Nous commencerons donc la dictée dans nos classes en lui donnant des caractères nouveaux. Par elle, nous apprendrons avant tout l’orthographe grammaticale et l’orthographe usuelle. Elle sera le complément naturel des leçons de grammaire, dont l’enseignement doit avoir une large place dans nos écoles.
Il faut, au moins, par semaine, trois leçons de grammaire, leçons intelligentes tendant à enseigner, non la langue par la grammaire, mais la grammaire par la langue. En conséquence, toute leçon de grammaire sera précédée d’exemples appropriés.
III - NOMENCLATURE
Le maître se conformera aux instructions parues dans la circulaire Ministérielle du 25 Juillet 1910, touchant la nomenclature grammaticale.
Clarté et simplicité, telles sont les qualités de la nomenclature nouvelle ; elles doivent se retrouver dans tout l’enseignement, et en particulier, dans les exercices d’analyse, dont le but est de montrer à l’enfant le mécanisme des phrases et le rôle des divers termes.
IV - L’ANALYSE
Plus de distinction entre analyse grammaticale et analyse logique. Dans toute analyse, il faut faire :
- décomposer la phrase en propositions ;
- rechercher les divers termes de la proposition ;
- enfin, si l’on veut détailler davantage, trouver l’espèce de quelques mots, le genre et le nombre de ceux qui sont variables.
Toutefois, c’est seulement au cours moyen que l’on soumettra à l’analyse une phrase de plusieurs propositions.
Au cours élémentaire, il suffira de faire ce travail pour une seule proposition.
V - L’ORTHOGRAPHE USUELLE
Tandis que des règles précises déterminent l’orthographe grammaticale, l’apprentissage de l’orthographe usuelle, qui fixe la constitution des mots en ce qu’ils ont d’invariable, repose entièrement sur la mémoire.
Mais le souvenir que nous gardons de la constitution d’un mot n’est pas simple: il est visuel, auditif, graphique et d’articulation.
La mémoire visuelle et la mémoire graphique sont certainement les plus actives et les plus sûres. C’est sur elles que nous appuierons surtout notre enseignement, sans négliger pourtant ce que l’on peut appeler la mémoire intellectuelle, qui entre en jeu souvent (l’étymologie d’un mot en fait retenir parfois l’orthographe).
D’ailleurs, n’oublions pas que le développement, et par suite, l’intervention de ces sortes de souvenir, est très variable suivant les individus. Comme nous sommes en présence de plusieurs élèves, nous devons faire appel à toutes les mémoires, l’une fortifiant l’autre, ou la suppléant selon les cas.
L’orthographe usuelle ne sera pas acquise par la dictée seule, mais aussi par tous les exercices, en particulier par la lecture. On fera écrire aux élèves, à la suite des lectures, les mots nouveaux ; on fera des exercices de dérivation et de composition.
Le choix des dictées sera soigné, le texte emprunté aux meilleurs écrivains, la longueur en rapport avec l’âge des élèves, et les remarques grammaticales correspondantes aux règles étudiées. Les dictées du cours Peltier méritent d’être signalées à ces divers points de vue.
VI - LA PREPARATION DE LA DICTEE
La dictée doit être préventive, d’où la nécessité d’une bonne préparation. Autant que possible, il ne faut pas permettre à la mémoire visuelle et à la mémoire géographique d’enregistrer l’aspect fautif d’un mot.
- Au cours élémentaire, le texte, préalablement copié au tableau noir, sera lu par le maître, ensuite par les élèves, et enfin copié sur l’ardoise.
- Au cours moyen, l’instituteur lira le morceau et le fera analyser au point de vue des idées. Il expliquera ensuite les termes difficiles, et les écrira au tableau noir pour les effacer un instant après, tandis que les enfants les transcriront sur l’ardoise.
Si quelque faute est commise, le maître la rectifie tout de suite, avant que son image ne se grave dans l’esprit.
Il ne restera plus qu’à faire trouver les diverses règles de grammaire.
Cette préparation est toujours nécessaire, sauf pour la dictée de contrôle, qui sera faite tous les quinze jours environ.
VII - L’EXECUTION DE LA DICTEE
Pour l’exécution de la dictée, le maître a soin de rechercher les élèves qui entendent mal et de les placer près de lui. Il dicte lui-même le texte que, mieux qu’un enfant, il rend intelligible par des flexions de voix ou quelque explication rapide.
- Au cours élémentaire, le texte du tableau est caché ;
- Au cours moyen, un enfant écrit sa dictée derrière le tableau noir mobile.
VIII - LA CORRECTION DE LA DICTEE
Dès que les élèves ont relu leur dictée, on procède à la correction. Actuellement, dans la majeure partie des classes, on a recours à l’épellation, que M. Payot condamne comme " fastidieuse, inintelligente, endormante ".
Ce procédé peut se défendre ; n’épelle-t-on pas les mots mentalement pour les écrire ? Seulement, il ne faut pas épeler les mots à orthographe phonétique ; le travail est moins lent et monotone si l’on ne s’attache qu’aux mots difficiles.
Lorsque le développement des élèves le permet, on désigne les lettres par leur appellation. On épelle les mots lettre à lettre. Pour certains termes, particulièrement longs et difficultueux, on formera les syllabes ;
par exemple, le mot association s’épelle ainsi :
a, s =
as ; s, o =
so ; c, i, a =
cia ; t, i, o, n =
tion ;
Quelquefois, on fait appel à l’intelligence, en rappelant l’étymologie des mots : illettré est formé du radical lettre et du préfixe il ; ce nom s’écrit donc avec les deux t du radical et deux l (celle du radical et celle du préfixe).
Cette explication suffit à graver l’orthographe du mot dans l’esprit de l’enfant. On agit de même pour d’autres termes, tels : nonobstant, péninsule, pénombre.
L’épellation terminée, le texte est remis sous les yeux de l’élève, car l’impression auditive est fugitive, et l’enfant, pour reconnaître le mot, doit en avoir vu l’image.
- Au cours élémentaire, on dévoile le texte du tableau noir ;
- Au cours moyen, on montre, après correction, le texte écrit au tableau noir par l’un des élèves.
Faut-il échanger les cahiers, ou faire corriger les fautes par leurs auteurs ? Chaque procédé comporte des avantages et des inconvénients ; au maître de choisir celui qui lui semble préférable.
Dans l’échange des cahiers, le correcteur souligne simplement les fautes à l’encre rouge ou au crayon de couleur, l’auteur les corrige ensuite :
- s’il s’agit d’une faute d’orthographe d’usage, il rature le mot mal orthographié et le récrit au-dessus exactement, afin d’en garder le souvenir visuel, puis il le copie une dizaine de fois pour que la mémoire graphique s’exerce ;
- si la faute est d’ordre grammatical, le maître fait rechercher la règle à suivre, et l’élève écrit l’expression correctement.
IX - LES QUESTIONS SUR LA DICTEE
La dictée est généralement suivie d’un exercice d’application. Les questions posées révèlent le jugement des enfants, quand elles portent sur les idées, ou bien la connaissance de la langue, quand elles ont pour but la forme des mots.
Explications des mots ou des expressions, exercices d’étymologie, de dérivation ou de composition, analyses, conjugaisons, sont les éléments de ce devoir que l’on fait oralement, en raison du peu de loisir qui reste après la correction de la dictée.
Ainsi bien préparée, et bien exécutée, la dictée est un travail intéressant et fructueux.
1) La dictée est un exercice de l’école destiné à faire connaître aux enfants, soit les variations des mots dans la phrase suivant les règles grammaticales (orthographe grammaticale), soit la constitution des mots en ce qu’ils ont d’invariable (orthographe dite usuelle).
2) En ce qui concerne la nomenclature grammaticale, il y aura lieu de se conformer à l’A.M. du 25 Juillet 1910. Pour l’analyse, la décomposition en ses divers éléments de la phrase devra toujours précéder l’étude grammaticale plus détaillée de quelques mots.
3) L’orthographe des mots s’apprend par le souvenir auditif, le souvenir visuel, le souvenir graphique, le souvenir d’articulation, le souvenir intellectuel. En aucun cas, on ne devra laisser inventer aux enfants l’orthographe d’un mot qu’ils ignorent. Ce mot sera toujours lu avant d’être épelé.
4) La dictée sera choisie très soigneusement ; le texte en sera emprunté à nos meilleurs écrivains, et sera, autant que possible, l’application des règles de grammaire déjà étudiées.
5) La préparation de la dictée est basée sur le principe de la méthode préventive.
Dans les divisions élémentaires, le texte de la dictée sera lu à haute voix, expliqué, épelé, s’il y a lieu, puis copié au préalable sur l’ardoise, ou sur un cahier spécial.
Au cours moyen, la préparation de la dictée comportera les phases suivantes :
- lecture de la dictée par le maître ;
- compte rendu sommaire par les élèves ;
- explication des mots difficiles qui seront écrits au tableau noir, lus et épelés si besoin est ;
- rappel des règles de grammaire à appliquer ;
- écriture sur l’ardoise, par le procédé La Martinière, des mots usuels dont on veut faire acquérir la connaissance.
La dictée de contrôle, (sans explications préalables), n’aura lieu que tous les quinze jours environ.
6) La dictée sera faite par un élève, au tableau noir, hors de la vue de ses camarades.
Pour la correction, le texte écrit par cet élève sera remis sous les yeux de toute la division. On pourra échanger les cahiers. L’épellation sera rapide et intelligente ; les mots à orthographe phonétique ne seront pas épelés ; pour ceux dont l’orthographe est difficile, on séparera nettement les syllabes ; on aura recours à l’étymologie chaque fois qu’on le pourra.
L’élève correcteur soulignera seulement les fautes qu’il trouvera (s’il y a échange de cahiers). Les fautes d’orthographe usuelle seront marquées d’un signe spécial.
L’élève qui a commis des fautes devra les réparer :
- pour l’orthographe grammaticale, en rappelant la règle violée ;
- pour l’orthographe usuelle, en raturant au crayon de couleur le mot mal orthographié, de façon à ce qu’il devienne totalement illisible ; en le recopiant correctement au-dessus, et en le répétant une douzaine de fois à la suite de la dictée.
7) La dictée pourra être suivie de questions analogues à celles données aux examens du Certificat d’Etudes. Ces questions seront le plus souvent orales.
Mon avis personnel sur le sauvetage de la dictée est sans appel Dans l'enseignement primaire ,la dictée reste un exercice élémentaire dans l'apprentissage de la langue!!!MERCI MR MAROJEUNE