Un homme découvre qu'il est l'oncle de son fils biologique !
Un homme découvre qu'il est l'oncle de son fils biologique ! Être à la fois l'oncle et le père biologique de son fils, c'est possible... Ce mystère qui a interpellé l'ensemble de la communauté scientifique vient d'être résolu par une équipe de médecins. FASCINANT. C'est un cas clinique exceptionnel qu'ont présenté des médecins américains lors de l'International Symposium on Human Identification à Grapevine (États-Unis)*, relayé par le site Buzzfeed. Tout commence en juin 2014, lorsqu'un couple d'Américains donne naissance à leur fils, de groupe sanguin AB. Problème : les deux parents sont tous les deux de groupe A, preuve que l'un des deux membres du couple n'est pas le parent biologique de l'enfant. Un test de paternité effectué à partir des joues de l'homme révèle qu'il n'est pas le père biologique. À ce moment de l'histoire, deux hypothèses viennent à l'esprit : soit la mère de l'enfant a trompé son mari avec un homme qui a fourni le B à l'enfant, soit celle-ci n'est pas non plus la mère de l'enfant, et il y a eu un échange d'enfant à la maternité (hypothèse qui n'est pas sans rappeler le fameux film français La vie est un long fleuve tranquille d'Étienne Chatiliez, sorti en 1988). Sauf que, dans ce cas, ni l'une ni l'autre de ces hypothèses n'est vraie.
Le père a absorbé son jumeau
Pour cette grossesse, le couple a eu recours à une fécondation in vitro (FIV). Rappelons que la FIV consiste à faire fusionner un ovule avec un spermatozoïde, en laboratoire, afin de provoquer une fécondation. Puis, une fois l’œuf fécondé composé de plusieurs cellules, il s’agit de le replacer dans l’utérus de la mère pour tenter de provoquer une grossesse. "Le couple a supposé que la clinique avait mélangé les échantillons de sperme", explique à IFLScience* Barry Starr, du Département de génétique à l'Université de Stanford (États-Unis). Toutefois, la clinique écarte catégoriquement la possibilité d'une erreur de manipulation. Barry Starr suggère au couple de faire un test génétique plus poussé : une analyse ADN à visée généalogique.
Les résultats sont stupéfiants. L'homme n'est pas le père biologique de l'enfant mais... son oncle ! La réaction logique consiste à penser que la mère a trompé son mari avec son beau-frère. Sauf que son mari n'a pas de frère... À ce stade, c'est à n'y rien comprendre. Mais pour le généticien, il y a une explication rationnelle : elle se nomme "chimérisme" (terme emprunté de la créature de la mythologie grecque qui a une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent). Un phénomène extrêmement rare qui survient lors d’une double fécondation : les deux fœtus (des "faux" jumeaux - voir encadré ci-dessous) fusionnent, un seul continuant à se développer normalement. Ainsi, deux génomes cohabitent dans ce même organisme. On peut donc dire sans l'offenser que ce monsieur est une chimère.
VRAIS/FAUX JUMEAUX. L'œuf (appelé zygote), formé lors de la fécondation du spermatozoïde et de l'ovule, se divise en deux avant le 15e jour qui suit la fécondation, sans que l'on sache exactement pourquoi. Cette division donnera des "vrais jumeaux" (encore appelés "jumeaux monozygotes"), au patrimoine génétique identique. Les "faux jumeaux" (ou jumeaux dizygotes) ne sont pas conçus de la même façon. En principe, lors de chaque ovulation, un seul ovule arrive à maturation, pour être fécondé par un spermatozoïde. Mais dans le cas de faux jumeaux, il y a eu émission de deux ovocytes. Ceux-ci seront alors fécondés par deux spermatozoïdes, très souvent au cours du même rapport ***uel, et donneront des faux jumeaux. Ces derniers peuvent être de ***e différents et se ressembler... ou pas.
L'enfant a hérité de l'ADN de son "oncle"
Concrètement, que s'est-il passé ? Le père biologique a eu, in utero, un faux jumeau, porteur d'un "B" dans son groupe sanguin. L’embryon de ce jumeau - qui ne s’est pas développé - a été "absorbé" et assimilé par le fœtus du père. Lequel a ensuite fabriqué des cellules porteuses des gènes de ce frère, qui n'est jamais né. Ainsi, dans environ 10 % des spermatozoïdes qu'il fabrique, c'est l'ADN de son faux jumeau qui s'exprime. Son fils a de cette façon hérité de l'ADN de son "oncle". Autrement dit, il est le fils d'un "fantôme"... Même si d'autres cas de chimérisme ont été découverts auparavant, Barry Starr et ses collègues soulignent que c'est la première fois que ce phénomène est découvert après un test de paternité. Ils craignent qu'en raison de la multiplication des procréations médicalement assistées (PMA), où plusieurs embryons sont transférés dans l'utérus des femmes, les cas de chimérisme ne deviennent de plus en plus fréquents...
* Présentation du cas clinique lors de l'International Symposium on Human Identification à Grapevine (États-Unis), du 12 au 15 octobre 2015