Assis à même le sol en position de tailleur, les enfants subjugués et charmés, se laissaient transporter par le flôt de mots magiques que l'homme aux longs cheveux grassement huilés, laissait couler dans un langage féerique et envoutant.
De temps en temps, il s'arretait pour respirer et ramasser la collecte de petites pièces de monnaie que les spectateurs mettaient de plein gré dans son bendir
Il enchaînait avec cet ordre mystérieux qu'il entonnait tout haut: "faites cliqueter les clés de la réussite!"
De la foule qui formait une ronde compacte de corps collés les uns aux autres ,s'élevait une profusion d'applaudissement, telle une symphonie accompagnant ses paroles.
La HALKA était le théatre que mes frères et moi pouvions payer sans avoir à vider complétement notre petite tirelire en terre cuite.La menue monnaie que nous gardions bien serrée dans nos petites menottes suantes,suffisait à payer notre grandiose spectacle.
Ma mère n'aimait pas trop que je devienne une assidue de la halka,aussi je faisais fi de ses interdictions en y allant en cachette.L'appel du spectacle et des mots fantastiques étaient plus forts que toutes les sommations maternelles, que j'outrepassais au risque de me faire gronder.
En véritables complices, mes frères assuraient souvent ma protection, en faisant de faux aveux qui me déculpabilisaient devant le courroux de ma mère,auquel je n'échappais pas toujours.
Bien des fois , elle venait me soustraire à mes scènes theatrales, en me tirant par les cheveux.Quand je voulais essayer de comprendre ses agissements, elle me répondait tout court que la halka n'était pas un endroit pour les filles!
Mais j'y allais quand même en usant de tous les subterfuges possibles.C'était ma façon de me révolter contre un ordre établi que je ne comprenais pas.
Pendant longtemps la halka fut mon théatre, celui où j'allais me frayer une place ,bien au milieu de la foule pour écouter et regarder avec émerveillement l'homme aux cheveux huilés.
En grandissant, ma mère n'eut plus besoin de m'interdire mon théatre.Mon corps qui avait commencé à prendre des rondeurs étranges,se refusait à l'appel du spectacle et de la halka...Il m'était devenu impossible d'assister à ces rondes d'où sortaient de magnifiques histoires déferlantes, qui m'emportaient loin vers de mystérieuses contrées...